Για μία ακόμη φορά καταδικάσθηκε η Ελλάδα για την έλλειψη πραγματικής και αποτελεσματικής προσφυγής (άρθρο 13 της ΕΣΔΑ) σε συνδυασμό με την απαγόρευση της απάνθρωπης μεταχειρίσεως του άρθρου 3 της Συμβάσεως.
Το ΕΔΔΑ, με την Απόφασή του της 10ης Μαΐου 2012, έκρινε ότι υπήρξε παραβίαση του άρθρου 3 της Συμβάσεως λόγω της καθυστερήσεως για την παροχή χειρουργικής επεμβάσεως, αλλά δεν υπήρξε παραβίαση όσον αφορά την περίθαλψη της υπεροστώσεως του προσφεύγοντος. Τέλος, απεφάνθη ότι υπήρξε παραβίαση και του άρθρου 13 περί αποτελεσματικής προσφυγής, καθ' όσον η Κυβέρνηση δεν απέδειξε ότι ο προσφεύγων μπορούσε να προβάλει αποτελεσματικώς και επαρκώς τους ισχυρισμούς του περί ανεπαρκούς ιατρικής περιθάλψεώς του στην φυλακή.
Κείμενο Αποφάσεως:
PREMIÈRE
SECTION
(Requête no
16906/10)
ARRÊT
STRASBOURG
10
mai 2012
Cet
arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44
§ 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Liartis c. Grèce,
La
Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant
en une chambre composée de :
Nina Vajić, présidente,
Peer Lorenzen,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse, juges,
Anatoly Kovler,
et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Peer Lorenzen,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse, juges,
Anatoly Kovler,
et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Après
en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 avril 2012,
Rend
l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A
l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 16906/10)
dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant
de cet Etat, M. Anastasios Liartis (« le requérant »), a saisi la Cour
le 22 mars 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le
requérant est représenté par Me V. Chirdaris, avocat au
barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été
représenté par les délégués de son agent, Mme F.
Dedousi, assesseure auprès du Conseil juridique de l’Etat, et M.
D. Kalogiros, auditeur auprès du Conseil juridique de
l’Etat.
3. Le
requérant se plaignait en particulier de l’absence de prise en charge
médicale adaptée à ses problèmes de santé lors de sa détention.
4. Le
31 mai 2010, la présidente en exercice de la section a décidé d’appliquer
l’article 39 du règlement, indiquant au Gouvernement qu’il était
souhaitable dans l’intérêt des parties et du bon déroulement de
la procédure d’ordonner le transfert du requérant dans un centre
médical spécialisé afin que celui-ci soit opéré, conformément
à l’avis de ses médecins traitants. Elle a également accordé la
priorité à la requête en vertu de l’article 41 du règlement.
5. Le
10 février 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement.
Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre
été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la
recevabilité et le fond.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
6. Le
requérant est né en 1968 et il est actuellement détenu au pénitencier
agricole de Tiryntha.
A. La procédure pénale engagée contre le
requérant
7. Le
4 décembre 2006, le requérant fut arrêté et placé en détention
provisoire pour vol à main armée et autres délits. Le 4 avril 2008,
la cour d’assises d’Athènes le condamna à une peine de réclusion
de vingt-trois ans et six mois (jugements nos
518, 670, 804, 1996/2008). Le requérant interjeta appel. L’audience
de son procès en appel fut fixée au 22 décembre 2010. Par son arrêt
no 3256/2010, la cour d’appel d’Athènes le condamna
à une peine de réclusion de sept ans et neuf mois.
B. L’état de santé du requérant comme
il ressort des certificats médicaux fournis
8. Le
12 avril 2007, le requérant fut diagnostiqué en détention d’une
hyperostose de la portion mastoïdienne à la partie droite de son cerveau.
Le 31 mai 2007, un médecin neurochirurgien de l’hôpital public « Georgios
Gennimatas » constata que le requérant devait être opéré pour le
problème de l’hyperostose. Il recommanda aussi son transfert vers
une autre clinique en raison de la longue liste d’attente à l’hôpital
public précité. Le 22 juin 2007, un neurochirurgien de la clinique
psychiatrique de la prison de Korydallos constata la nécessité d’une
intervention chirurgicale afin de traiter la tumeur bénigne. Le 28
août 2007, on constata que le requérant souffrait également de lombalgie
aigüe. Par attestation médicale du 29 août 2007, la pathologiste
auprès du secteur psychiatrique de la prison de Korydallos examina
le requérant et conclut à la nécessité d’une intervention chirurgicale
de la portion mastoïdienne à la partie droite de son cerveau. Le 10 septembre 2007,
un médecin de l’hôpital général de Lamia constata que la tumeur
cérébrale provoquait des migraines et des évanouissements.
9. Le
16 novembre 2007, le requérant adressa une attestation aux autorités
pénitentiaires de la prison de Korydallos. Il y affirmait que les autorités
médicales lui avaient suggéré de poursuivre les examens médicaux
quant à son hyperostose et de se faire opérer, si nécessaire. Dans
ce contexte, le requérant déclara que, pour le moment, il refusait
de subir des examens médicaux supplémentaires ou même une opération
chirurgicale.
10. Le
30 octobre 2008, un chirurgien examina le requérant dans la prison
de Korydallos et certifia qu’il souffrait de migraines et d’acouphènes
en raison de sa tumeur bénigne. Il nota en outre qu’en raison de
la lombalgie aigüe dont souffrait le requérant, les nerfs subissaient
une compression importante. Il conclut que la lombalgie devait être
traitée chirurgicalement.
11. Le
16 décembre 2008, un médecin neurochirurgien de l’hôpital public
« G. Gennimatas » examina le requérant et conclut qu’il devait être
opéré en raison de sa lombalgie chronique.
12. Le
4 mars 2009, un médecin orthopédiste de l’hôpital général d’Amfissa
attesta que le requérant avait eu des fortes poussées de lombalgie.
13. Le
15 septembre 2009, le requérant fut transféré à l’hôpital public
de Lamia où il fut examiné et le médecin traitant recommanda une
imagerie par résonnance magnétique (IRM). Par une attestation datée
du 29 décembre 2009, le même hôpital nota que l’IRM n’avait pas
été effectuée.
14. Le
28 septembre 2009, un médecin du cabinet médical de la prison de Malandrino,
où le requérant avait entre-temps été transféré, certifia à nouveau
la nécessité d’une intervention chirurgicale de la tumeur bénigne.
Il nota en outre que la lombalgie occasionnait au requérant une dégénérescence
des disques intervertébraux et qu’une consultation médicale spécialisée
était nécessaire.
15. Le
30 septembre 2009, le médecin neurochirurgien S.T. conclut, après
avoir consulté le dossier médical du requérant et les IRM effectuées,
qu’une évaluation chirurgicale de ses pathologies était nécessaire
ainsi que son hospitalisation dans un centre médical spécialisé.
16. Le
26 janvier 2010, le médecin légiste E.S., sollicité par l’avocat
du requérant, dressa un rapport sur son état de santé pour le soumettre
à la juridiction d’exécution des peines. En ce qui concerne, l’hyperostose
de la portion mastoïdienne, E.S. notait qu’il s’agissait d’une
pathologie rare qui, sous certaines conditions, pouvait provoquer des
acouphènes, des migraines au patient ainsi qu’une perte auditive.
En ce qui concerne la lombalgie, il relevait que cette pathologie pouvait
provoquer des problèmes multiples, y compris des troubles sphinctériens
se traduisant par une incontinence. E.S. préconisait le traitement
chirurgical de l’hyperostose ainsi que l’évaluation chirurgicale
et, le cas échéant, l’opération de la lombalgie aigüe.
17. En
général, en 2009 et 2010, le requérant soumit auprès des autorités
pénitentiaires de la prison de Malandrino dix demandes dans lesquelles
il exposait sa condition médicale et demandait son transfert vers un
centre médical spécialisé pour y subir des examens médicaux. De
plus, il ressort du dossier qu’entre juillet 2007 et avril 2011, le
requérant fut transféré à vingt-deux reprises vers des hôpitaux
publics pour se soumettre à des examens médicaux relatifs à ses deux
pathologies.
C. Les demandes de suspension de l’exécution
de la peine infligée au requérant
18. Les
31 juillet 2008, 30 octobre 2009, 11 janvier et 9 avril 2010 respectivement,
le requérant forma quatre demandes de suspension de l’exécution
de sa peine, conformément à l’article 497 du code de procédure
pénale. Il affirma que ses problèmes médicaux ne pouvaient pas être
traités en prison et qu’il y avait besoin d’être transféré vers
un centre médical spécialisé. Dans ces demandes, le requérant se
référait explicitement à la nécessité d’un traitement chirurgical
de la lombalgie aigüe. En particulier, en citant les certificats médicaux
délivrés par les médecins spécialisés, il se plaignait des douleurs
intenses provoquées par la compression des nerfs et des disques intervertébraux,
causant la sensation d’une énorme pression sur le dos et les jambes.
19. Ces
demandes furent rejetées par la cour d’appel. Ladite juridiction
admit, après avoir pris en compte les éléments du dossier, que les
conditions de suspension de l’exécution de la peine n’étaient
pas remplies (décisions nos 2864/2008, 3271/2009, 344/2010
– la dernière décision afférente à la demande datée du 9 avril
2010 n’est pas produite). Ces décisions n’étaient pas susceptibles
de pourvoi.
D. La demande des mesures provisoires devant
la Cour et la procédure y relative
20. Le
22 mars 2010, le requérant saisit la Cour d’une demande de mesures
provisoires en vertu de l’article 39 du règlement de la Cour en alléguant
que sa mise en détention était incompatible avec son état de santé.
Le 31 mai 2010, la Présidente en exercice de la Première Section décida
d’ordonner au gouvernement grec de transférer le requérant dans
un centre médical spécialisé afin d’y être opéré, conformément
à l’avis des médecins qui l’avaient examiné.
21. Le
12 mai 2010, le requérant avait été transféré à l’hôpital universitaire
de Patras où il avait été examiné par un médecin neurochirurgien.
Ledit médecin confirma que les pathologies du requérant devaient être
traitées de manière chirurgicale. S’agissant en particulier de la
lombalgie, il fut relevé que l’opération chirurgicale s’imposait
du fait que les symptômes de la pathologie persistaient.
22. Le
27 octobre 2010, le requérant subit une opération chirurgicale de
sa lombalgie à l’hôpital « O Evangelismos ». En particulier, une
discectomie fut appliquée afin d’alléger la pression qu’exerçait
le disque intervertébral sur les racines nerveuses. Le requérant y
fut hospitalisé jusqu’au 3 novembre 2010. Selon le certificat médical
délivré par l’hôpital « O Evangelismos » le 3 janvier 2011, le
suivi postopératoire du requérant était satisfaisant.
23. Selon
l’attestation médicale datée du 31 mars 2011, suite à l’opération
chirurgicale de la lombalgie, le requérant refusa constamment de se
soumettre à une opération chirurgicale de l’hyperostose.
24. Le
4 avril 2011, le Comité central des transferts des détenus fit droit
à la demande du requérant et ordonna son transfert au pénitencier
agricole de Tirynthe. Selon le certificat médical daté du 11 février
2011, délivré par le médecin S.S. affecté au dispensaire de la prison
de Malandrino, le requérant ne recevait pas de traitement pharmaceutique
et son transfert vers le pénitencier de Tirynthe pouvait avoir lieu.
25. Le
6 avril 2011, l’examen médical de l’hyperostose du requérant à
l’hôpital de Rio fut ajourné, puisque celui-ci avait pris un congé
régulier, prévu par le règlement pénitentiaire.
26. Le
11 avril 2011, le médecin M.S., affecté au dispensaire de la prison
de Korydallos, attesta l’opération chirurgicale de la lombalgie en
ajoutant que les retards étaient dus à la longue liste d’attente
ainsi qu’aux hésitations du requérant.
27. Selon
une attestation signée par le requérant et datée du 19 avril 2011,
celui-ci ne souhaitait pas son transfert à l’hôpital de Rio pour
effectuer des examens supplémentaires, « puisqu’il n’avait pas
de problème de santé ».
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES
PERTINENTS
28. Les
parties pertinentes des articles 497, 557 et 572 du code de procédure
pénale se lisent comme suit :
Article 497
« (...)
7. Si l’accusé a interjeté appel, sans effet
suspensif, du jugement condamnatoire du tribunal de première instance,
le procureur ou l’accusé lui-même peuvent demander le sursis à
exécution de la peine imposée, jusqu’au prononcé de l’arrêt
de la juridiction de deuxième instance.
(...) »
Article 557
« 1. L’exécution d’une peine privative de
liberté peut être suspendue dans les cas prévus par les articles
429 § 3 et 556 al. a, b et c, ainsi que par les paragraphes 2 et 7
du présent article.
2. Dans le cas où le détenu est hospitalisé,
comme le prévoient les dispositions pertinentes, et s’il souffre
d’une maladie tellement grave que le maintien de son hospitalisation
dans tout hôpital ne permet pas d’empêcher la dégradation irréversible
de son état de santé ou présente un danger pour sa vie, celui-ci
peut, si ladite prévention nécessite son hospitalisation dans un autre
établissement spécifiquement mentionné, solliciter son admission
dans celui-ci pour poursuivre son traitement à ses propres frais. Le
traitement médical à domicile est exclu.
3. Le tribunal compétent se prononce sur cette
demande par une motivation spécifique et circonstanciée. Cette décision
est rendue après la production de a) l’avis de deux médecins légistes
ou, à défaut, de deux médecins engagés par un établissement public
sur la nécessité de transférer le demandeur au centre hospitalier
proposé par lui-même, b) l’avis de l’établissement où l’intéressé
est hospitalisé et c) l’avis du centre hospitalier vers lequel l’intéressé
sollicite son transfert.
4. Si le tribunal fait droit à la demande du
requérant, il ordonne le sursis à exécution de la peine de l’intéressé
pour une période maximale de cinq mois. A la demande de l’intéressé
ou du procureur, soumise avant l’expiration dudit délai, le tribunal
peut à chaque fois proroger le sursis à exécution de la peine par
périodes de cinq mois au maximum, dans le cas où cela est nécessaire.
(...)
7. Dans des cas exceptionnels, le tribunal peut,
à la demande du détenu, ordonner son élargissement si le sursis à
exécution de la peine ne peut empêcher un dommage irréversible à
la santé de l’intéressé ou si son pronostic vital est engagé.
Le traitement médical du patient à domicile doit véritablement empêcher
la détérioration irréversible de son état de santé.
(...) »
La
jurisprudence de la Cour de cassation admet qu’il ressort de la combinaison
des articles 370, 504 et 506 du code de procédure pénale, que la décision
de la cour d’appel sur la demande, en vertu de l’article 557 du
code de procédure pénale, de suspension de l’exécution de la peine
infligée n’est pas susceptible de pourvoi (ΑΠ 749/2005).
Article 572
« 1. Le procureur près le tribunal correctionnel
du lieu où la peine est purgée, exerce les compétences prévues par
le code [de procédure pénale] concernant le traitement des détenus
et contrôle l’exécution des peines et l’application des mesures
de sécurité, conformément aux dispositions du présent code, du code
pénal et des lois y afférentes.
2. En vue d’exercer les fonctions susmentionnées,
le procureur près le tribunal correctionnel visite la prison au moins
une fois par semaine. Lors de ces visites, il entend les détenus qui
ont préalablement sollicité une audition.
(...) »
29. L’article
6 du code pénitentiaire (loi no 2776/1999) se lit ainsi :
« 1. Les détenus ont le droit de s’adresser
par écrit et à des intervalles raisonnables au Conseil de la prison,
en cas d’actes ou d’ordres illégaux pris à leur encontre et si
les dispositions du présent code ne prévoient pas d’autre recours.
Dans les quinze jours suivant la notification d’une décision de rejet
ou un mois après le dépôt de la demande, si l’administration a
omis de prendre une décision, les détenus ont le droit de saisir le
tribunal compétent de l’exécution des peines. Si le tribunal fait
droit au recours, il ordonne les mesures susceptibles de pallier l’acte
ou l’ordre illégal (...) »
30. Les
dispositions pertinentes en l’espèce de l’arrêté ministériel
no 58819/2003, du 7 avril 2003, se lisent ainsi :
Article 6
« 1. Le contrôle de légalité sur l’exécution
des peines privatives de liberté (...) est exercé par le procureur-superviseur
compétent.
2. Ce contrôle comprend (...) b) la garantie d’un
juste traitement et de la protection judiciaire pour l’ensemble des
détenus et c) l’information des autorités judiciaires et administratives
compétentes sur le contenu des auditions ou des rapports de détenus
ou de membres du personnel pénitentiaire qui font apparaître des indices
que des actes répréhensibles ou des infractions disciplinaires ont
été commis par ceux-ci. »
Article 7
« 1. Dans le cadre de la supervision, le procureur
collabore avec le directeur et les chefs hiérarchiques des différents
secteurs de l’établissement pénitentiaire et fait des recommandations
sur des questions qui concernent l’exécution des peines.
2. Le procureur-superviseur ou son adjoint exercent
des compétences juridictionnelles, disciplinaires et de contrôle.
En particulier, le procureur :
1. Veille à l’application des dispositions
en vigueur concernant le traitement (« μεταχείριση ») des détenus ainsi que de celles du code pénal et des lois
spéciales relatives à l’exécution des peines et l’application
des mesures de sûreté.
(...)
9. Entend les détenus, leurs proches et les avocats
des premiers, à leur demande.
(...)
10. Examine les questions de protection juridictionnelle
des détenus en indiquant aux intéressés les démarches à suivre
et fait suivre aux autorités compétentes les demandes d’aide juridictionnelle
des détenus (...) »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES
ARTICLES 13 ET 3 DE LA CONVENTION
31. Le
requérant se plaint de l’absence de prise en charge médicale appropriée
de ses problèmes de santé lors de sa détention et, en particulier,
de l’hyperostose de la portion mastoïdienne à la tempe et de la
lombalgie aigüe. De surcroît, il se plaint de l’absence de recours
effectif au travers duquel il aurait pu dénoncer les insuffisances
quant à son traitement médical en prison. Il invoque les articles
3 et13 de la Convention, dispositions ainsi libellées :
Article 3
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à
des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Article 13
« Toute personne dont les droits et libertés
reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi
d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que
la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice
de leurs fonctions officielles. »
A. Sur la recevabilité
1. Arguments des parties
32. Le
Gouvernement soutient, à titre principal, que le grief tiré de l’article
3 est irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes.
Il indique que, s’agissant des griefs relatifs aux conditions de détention
dans les prisons grecques, les organes de la Convention ont déjà jugé
que le requérant doit, en vertu des articles 572 du code de procédure
pénale et 6 du Code pénitentiaire, saisir d’une plainte le procureur
ou le Conseil de la prison, respectivement, pour dénoncer les conditions
de sa détention. De plus, en cas de rejet de sa demande fondée sur
l’article 6 du code pénitentiaire, l’intéressé peut contester
cette décision devant le tribunal correctionnel compétent (Tsivis c. Grèce, no 11553/05, § 18, 6 décembre
2007 ; Siasios et autres c. Grèce, no 30303/07, § 19,
4 juin 2009).
33. En
l’espèce, le Gouvernement affirme qu’il ne ressort pas des archives
des prisons de Korydallos et de Malandrino que le requérant ait fait
usage des recours précités pour dénoncer ses conditions de détention
et, en particulier, la qualité des soins médicaux qui lui étaient
dispensés.
34. Le
requérant affirme qu’il a sollicité à quatre reprises à la juridiction
compétente le sursis à exécution de sa peine en raison de son état
de santé. De plus, en vertu de la loi no 2776/1999, il s’est
adressé à plusieurs reprises au Conseil de la prison pour faire état
de l’aggravation de son état de santé et du besoin de transfert
vers un centre médical spécialisé.
2. Appréciation de la Cour
35. La
Cour estime que l’exception soulevée par le Gouvernement est étroitement
liée à la substance du grief énoncé sur le terrain de l’article
13 de la Convention et décide de la joindre au fond.
36. Elle
constate par ailleurs que la requête n’est pas manifestement mal
fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève
en outre qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité.
Il convient donc de la déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Arguments des parties
37. Le
Gouvernement allègue que le requérant a été transféré à plusieurs
reprises vers des hôpitaux publics, tels que « Georgios Gennimatas »,
les Hôpitaux généraux du Pirée, d’Amfissa, de Lamia et l’Hôpital
universitaire de Rio pour y subir des examens médicaux concernant ses
pathologies. Il ajoute que tout au long de son incarcération, le requérant
recevait avec diligence les soins médicaux requis. Il note le refus
du requérant de subir une intervention chirurgicale de la tumeur bénigne
située sur la partie extérieure de son cerveau. De plus, le Gouvernement
relève que le retard mis pour l’opération chirurgicale de la lombalgie
était aussi dû aux hésitations du requérant et à sa peur de traiter
cette pathologie par voie chirurgicale. En dernier lieu, le Gouvernement
relève que le requérant a travaillé pour une période assez longue
pendant son incarcération, à savoir pour 939 jours, affecté à la
coiffure et au nettoyage des locaux. Selon le Gouvernement, si l’état
de la santé du requérant était aussi grave que celle décrite dans
sa requête, il n’aurait pas pu travailler.
38. Le
requérant rétorque que la qualité des soins médicaux qui lui ont
été administrés était insuffisante et que les autorités compétentes
sont restées inactives jusqu’à la soumission à la Cour de sa demande
d’application de l’article 39 du Règlement. En ce qui concerne
son hyperostose, il argue que son état de santé préoccupant est confirmé
par plusieurs attestations médicales. Il considère qu’il était
normal d’avoir des hésitations à être opéré et d’en éprouver
du stress, vu la complexité des interventions chirurgicales qui avaient
été prescrites par les médecins traitants. Selon lui, les lacunes
des soins médicaux dispensés tout au long de son incarcération ont
entraîné la détérioration de son état de santé. En particulier,
en ce qui concerne la lombalgie, il fait état des fortes douleurs dues
à la compression des nerfs dorsaux, provoquant la sensation d’une
énorme pression notamment sur les jambes. Il allègue avoir éprouvé
des sentiments de forte angoisse, en raison de l’omission des autorités
internes de lui dispenser les soins médicaux appropriés et l’attente
de trois ans pour subir le traitement chirurgical de sa lombalgie.
2. Appréciation de la Cour
a) Sur le grief tiré de l’article 13 de
la Convention
39. La
Cour rappelle que l’article 13 de la Convention garantit l’existence
en droit interne d’un recours pour les griefs que l’on peut estimer
« défendables » au regard de la Convention. Un tel recours doit habiliter
l’instance nationale compétente à connaître du contenu du grief
fondé sur la Convention et à offrir le redressement approprié, même
si les Etats contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation
quant à la manière de se conformer aux obligations que leur fait cette
disposition.
40. En
outre, la Cour note que la règle de l’épuisement des voies de recours
internes, énoncée à l’article 35 § 1 de la Convention, se fonde
sur l’hypothèse, incorporée dans l’article 13, avec lequel elle
présente d’étroites affinités, que l’ordre interne offre un recours
effectif, en pratique comme en droit quant à la violation alléguée
(Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 152,
CEDH 2000-XI ; Hassan et Tchaouch c. Bulgarie [GC], no 30985/96,
§§ 96-98, CEDH 2000-XI).
La Cour rappelle qu’en vertu de la règle de l’épuisement des voies
de recours internes le requérant doit, avant de saisir la Cour, avoir
donné à l’Etat responsable, en utilisant les ressources judiciaires
pouvant être considérées comme effectives et suffisantes offertes
par la législation nationale, la faculté de remédier par des moyens
internes aux violations alléguées (voir, entre autres, Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 37,
CEDH 1999-I).
41. L’article
35 § 1 de la Convention ne prescrit l’épuisement que des recours
à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats.
Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement
en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité
et l’accessibilité voulues ; il incombe à l’Etat défendeur de
démontrer que ces exigences se trouvent réunies (voir, entre autres, Dalia c. France, 19 février 1998, § 38, Recueil des arrêts et décisions 1998-I). Enfin, celui qui
a exercé un recours de nature à remédier directement – et non de
façon détournée – à la situation litigieuse n’est pas tenu d’en
épuiser d’autres éventuellement ouverts mais à l’efficacité
improbable (Manoussakis et autres c. Grèce, 26 septembre 1996, § 33, Recueil 1996-IV).
42. En
l’occurrence, la Cour note que le Gouvernement ne produit aucune décision
administrative ou judiciaire susceptible d’établir que le requérant
pouvait, à travers les recours prévus par les articles 572 du code
de procédure pénale et 6 du Code pénitentiaire, dénoncer effectivement
les insuffisances alléguées quant à son traitement médical en prison.
Au demeurant, la Cour relève que le requérant a suffisamment invoqué
devant les autorités compétentes ses problèmes de santé dont la
Cour est actuellement saisie. En particulier, à quatre reprises, il
a saisi la cour d’appel d’une demande de suspension de l’exécution
de sa peine jusqu’à l’examen de son appel, en affirmant que ses
pathologies ne pouvaient pas être traitées en prison et qu’il avait
besoin d’être transféré vers un centre médical spécialisé. Ces
demandes ont été rejetées par la juridiction précitée. La Cour
relève que le Gouvernement ne fait nullement valoir que ledit recours
était de nature de remédier à la situation litigieuse.
43. Au
vu de ce qui précède force est à la Cour de rejeter l’exception
du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes,
fondées sur les articles 572 du code de procédure pénale et 6 du
Code pénitentiaire. En outre, compte tenu du fait que le Gouvernement
n’a fait état d’aucun autre recours que le requérant aurait pu
exercer afin d’obtenir le redressement de la violation alléguée
au titre de l’article 3 de la Convention, la Cour conclut que l’Etat
a manqué à ses obligations découlant de l’article 13 de la Convention.
44. Partant,
il y a eu violation de cette disposition.
b) Sur le grief tiré de l’article 3 de la
Convention
i. Principes généraux
45. Pour
tomber sous le coup de l’article 3, un mauvais traitement doit atteindre
un seuil minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative
par essence et dépend de l’ensemble des données de la cause, et
notamment de la nature et du contexte du traitement, de sa durée et
de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de
l’âge et de l’état de santé de la victime (voir, parmi d’autres, Dybeku c. Albanie, no 41153/06, § 36, 18 décembre
2007 ; Mikadzé c. Russie, no 52697/99, § 108, 7 juin 2007).
Pour qu’une peine ou le traitement dont elle s’accompagne soient
« inhumains » ou « dégradants », la souffrance doit en tout cas aller
au-delà de celle que comporte inévitablement une forme donnée de
traitement ou de peine légitime (voir, par exemple, Ilaşcu et autres c. Moldova et Russie [GC], no
48787/99, § 428, CEDH 2004-VII et Lorsé et autres c. Pays-Bas, no 52750/99, § 62, 4 février 2003).
46. S’agissant
des personnes privées de liberté, l’article 3 impose à l’Etat
l’obligation d’organiser son système pénitentiaire de façon à
assurer aux détenus le respect de leur dignité humaine (Soukhovoy c. Russie, no 63955/00, § 31, 27 mars 2008 ; Benediktov c. Russie, no 106/02, § 37, 10 mai 2007).
Cette obligation positive requiert que les modalités d’exécution
de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou une
épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance
inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques
de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier soient
assurés de manière adéquate, notamment par l’administration des
soins médicaux requis (Mouisel
c. France, no 67263/01, § 40, CEDH 2002-IX).
47. Il
ressort de la jurisprudence que le devoir de soigner la personne malade
au cours de sa détention met à la charge de l’Etat les obligations
particulières de veiller à ce que le détenu soit capable de purger
sa peine, de lui administrer les soins médicaux nécessaires et d’adapter,
le cas échéant, les conditions générales de détention à la situation
particulière de son état de santé (Xiros c. Grèce, no 1033/07, § 73, 9 septembre
2010).
48. Quant
à la première obligation, dans un Etat de droit, la capacité à subir
une détention est la condition pour que l’exécution de la peine
puisse être poursuivie. Si l’on ne peut en déduire une obligation
générale de remettre en liberté ou bien de transférer dans un hôpital
civil un détenu, même si ce dernier souffre d’une maladie particulièrement
difficile à soigner (Mouisel,
précité, loc.cit.), la Cour ne saurait exclure que, dans des
conditions particulièrement graves, l’on puisse se trouver en présence
de situations où une bonne administration de la justice pénale exige
que des mesures de nature humanitaire soient prises pour y parer (Matencio c. France, no 58749/00, § 76, 15 janvier
2004 ; Sakkopoulos c. Grèce, no 61828/00, § 38,
15 janvier 2004). Partant, dans des cas exceptionnels où l’état
de santé du détenu est absolument incompatible avec sa détention,
l’article 3 peut exiger la libération de la personne concernée sous
certaines conditions (Rojkov c. Russie, no 64140/00, § 104, 19 juillet 2007).
49. Concernant
la deuxième obligation, le manque de soins médicaux appropriés peut
en principe constituer un traitement contraire à l’article 3 (voir İlhan
c. Turquie [GC], no 22277/93, § 87, CEDH 2000-VII ; Gennadiy
Naoumenko c. Ukraine, no 42023/98, § 112, 10
février 2004). La Cour exige, tout d’abord, l’existence d’un
encadrement médical pertinent du malade et l’adéquation des soins
médicaux prescrits à sa situation particulière (Khatayev c. Russie, no 56994/09, § 84, 11 octobre
2011). L’efficacité du traitement dispensé présuppose ainsi que
les autorités pénitentiaires offrent au détenu les soins médicaux
prescrits par des médecins compétents (voir Soysal c. Turquie, no 50091/99, § 50, 3 mai 2007 ; Gorodnitchev c. Russie, no 52058/99, § 91, 24 mai
2007). De plus, la diligence et la fréquence avec lesquelles les soins
médicaux sont dispensés à l’intéressé sont deux éléments à
prendre en compte pour mesurer la compatibilité de son traitement avec
les exigences de l’article 3. En particulier, ces deux facteurs ne
sont pas évalués par la Cour en des termes absolus, mais en tenant
compte chaque fois de l’état particulier de santé du détenu (Serifis c. Grèce, no 27695/03, § 35, 2 novembre
2006; Rohde c. Danemark, no 69332/01, § 106, 21 juillet
2005 ; Iorgov c. Bulgarie, no 40653/98, § 85, 11 mars 2004; Sediri c. France (déc.), no 4310/05, 10 avril 2007).
En général, la dégradation de la santé du détenu ne joue pas en
soi un rôle déterminant quant au respect de l’article 3 de la Convention.
La Cour examinera à chaque fois si la détérioration de l’état
de santé de l’intéressé était imputable à des lacunes dans les
soins médicaux dispensés (voir Kotsaftis c. Grèce, no 39780/06, § 53, 12 juin
2008).
50. En
outre, pour ce qui est de la troisième obligation, la Cour exige que
l’environnement carcéral soit adapté, si nécessaire, aux besoins
spéciaux du détenu afin de lui permettre de purger sa peine dans des
conditions qui ne portent pas atteinte à son intégrité morale. A
ce jour, la Cour a déjà examiné des affaires portant sur la nécessité
d’adopter des mesures particulières en prison afin de permettre à
des détenus souffrant de handicaps physiques importants de satisfaire
au quotidien leurs besoins personnels de manière conforme à la dignité
humaine (Vincent c. France, no 6253/03, §§ 104-114, 24 octobre
2006 ; Mathew c. Pays-Bas, no 24919/03, §§ 190-191, CEDH
2005-IX ; Price c. Royaume-Uni, no 33394/96, § 29, CEDH 2001-VII).
51. En
dernier lieu, la Cour note que la dignité et la liberté de l’homme
sont l’essence même de la Convention (Christine Goodwin c. Royaume-Uni [GC], no 28957/95,
§ 90, CEDH 2002-VI). Dans la sphère de l’assistance
médicale, l’imposition d’un traitement sans le consentement libre,
explicite et éclairé d’une personne adulte ayant ses capacités
mentales ne serait pas conforme avec son droit à l’intégrité physique
et, a fortiori, avec la Convention (voir Glass c. Royaume-Uni, no 61827/00, §§ 82-83, CEDH 2004-II ; Les témoins de Jéhovah de Moscou c. Russie, no 302/02,
§ 135, 10 juin 2010 V.C. c. Slovaquie, no 18968/07,
§ 105, 8 novembre 2011).
ii. Application des principes précités en
l’espèce
52. Se
tournant vers le cas d’espèce, la Cour note d’emblée que les griefs
du requérant ne concernent pas sa capacité à purger sa peine ou l’adaptation
des conditions générales de détention à la situation particulière
de son état de santé. Dans ses observations devant la Cour, le requérant
focalise son argumentation sur la qualité des soins médicaux administrés
tout au long de sa détention. En particulier, il se réfère au retard
injustifié dans le traitement chirurgical de ses pathologies et à
l’omission des autorités compétentes de le transférer en temps
utile vers un centre médical spécialisé. Partant, la Cour examinera
la pertinence du traitement médical dispensé à l’intéressé à
l’égard des deux pathologies dont il se plaint devant elle, à savoir
l’hyperostose de la portion mastoïdienne à la tempe et la lombalgie
aigüe.
a) Sur l’hyperostose de la portion mastoïdienne
à la tempe
53. Avant
de se pencher sur la qualité des soins dispensés à l’égard de
cette pathologie, la Cour estime que la première question sur laquelle
elle est tenue de se prononcer est de savoir s’il y a eu consentement
de la part du requérant sur l’intervention chirurgicale y relative.
La Cour relève à cet égard que le requérant avait explicitement
fait part, depuis 2007, aux autorités pénitentiaires de son refus
de subir des examens médicaux supplémentaires ou même une opération
chirurgicale de l’hyperostose. Bien qu’il se soit soumis par la
suite à plusieurs examens médicaux de cette pathologie et qu’il
ait demandé son transfert vers un centre spécialisé, il ne ressort
pas du dossier qu’il avait entre-temps renoncé à son intention de
ne pas subir une intervention chirurgicale. Tout au contraire, après
l’intervention chirurgicale de sa lombalgie, le requérant a, à plusieurs
reprises, réitéré sa volonté de ne pas subir d’opération chirurgicale
de l’hyperostose. En particulier l’attestation médicale, datée
du 31 mars 2011, relève qu’après la chirurgie de la lombalgie, le
requérant a constamment refusé de se soumettre à une opération chirurgicale
de l’hyperostose. De surcroît, dans l’attestation, datée du 19
avril 2011 et signée par le requérant, celui-ci confirmait qu’il
ne souhaitait pas son transfert à l’hôpital de Rio pour effectuer
des examens, « puisqu’il n’avait pas de problème de santé ».
54. La
Cour prend note de l’argument du requérant, à savoir que ses tergiversations
étaient dues au stress et à l’angoisse éprouvés quant à l’éventualité
d’une opération chirurgicale importante. Elle considère pour autant
que les raisons personnelles sur lesquelles le requérant pouvait fonder
son refus de subir l’opération chirurgicale en cause, n’exercent
pas d’influence sur le fait objectif qu’il n’avait pas accordé
son consentement en ce sens. La Cour relève de plus que comme il ressort
du dossier et des arguments des parties, la pathologie du requérant
était sérieuse mais ne constituait pas une nécessité thérapeutique
exceptionnelle pouvant, sous conditions, justifier une intervention
médicale contre sa volonté (voir Herczegfalvy c. Autriche, 24 septembre 1992, § 82, série
A no 244 ; Naoumenko c. Ukraine, no42023/98, § 112, 10 février
2004).
55. De
surcroît, la Cour note que l’hyperostose du requérant a fait l’objet
d’un traitement médicalement continu et encadré et que cette pathologie
ne s’est pas détériorée au cours de son incarcération. Etant donné
que le requérant n’a pas consenti au traitement chirurgical de son
hyperostose, la Cour considère que les autorités nationales ont fait
ce que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elles à l’égard
de cette pathologie et, en particulier, en ce qui concerne la qualité
des soins médicaux dispensés. Partant, il n’y a pas eu violation
de l’article 3 de la Convention à cet égard.
b) Sur la lombalgie aigüe
56. La
Cour note tout d’abord que le caractère sérieux de cette pathologie
a été relevé à plusieurs reprises dans les attestations médicales
dressées par les médecins traitants. A titre d’exemple, le médecin
légiste E.S. relevait dans son rapport daté du 26 janvier 2010 que
la lombalgie dont souffrait le requérant pouvait provoquer des troubles
sphinctériens se traduisant par une incontinence. De plus, les 30 octobre,
16 décembre 2008, 30 septembre 2009 et 26 janvier et 12 mai 2010, différents
médecins affectés à des établissements privés et publics, ont préconisé
le traitement chirurgical de la lombalgie. La Cour note sur ce point
que tout au long de son incarcération le requérant ne s’est pas
opposé à l’opération chirurgicale de cette pathologie. Ainsi, dans
son attestation datée du 16 novembre 2007 et adressée aux autorités
pénitentiaires de la prison de Korydallos, il n’exprimait ses objections
qu’au procédé chirurgical de l’hyperostose. De plus, dans ses
demandes de suspension de l’exécution de sa peine, le requérant
avait explicitement invoqué des douleurs intenses causées par la compression
des nerfs, provoquant la sensation d’une énorme pression sur le dos
et les jambes.
57. Certes,
le médecin M.S. indique dans son attestation du 11 avril 2011 que les
retards dans l’opération chirurgicale de la lombalgie étaient dus
partiellement aux hésitations du requérant. Pourtant, cette affirmation,
survenue plusieurs mois après l’opération, est assez vague et n’est
pas confirmée par l’ensemble des pièces du dossier. En effet, le
requérant a saisi à dix reprises les autorités pénitentiaires, en
vertu de loi no 2776/1999, pour attirer leur attention sur
sa condition médicale et demander son transfert vers un centre médical
spécialisé. De surcroît, dans les quatre demandes de suspension de
sa peine, le requérant décrivait en détail son état de santé sans
exprimer son opposition au traitement chirurgical de la lombalgie aigüe.
Au contraire, il faisait valoir que le traitement chirurgical de cette
pathologie était nécessaire. Par conséquent, la Cour considère qu’en
l’espèce, et à la différence du cas de l’hyperostose, le requérant
avait consenti à l’opération chirurgicale de la lombalgie, ce qui
est en tout état de cause confirmé par le fait que celle-ci a eu lieu
en octobre 2010.
58. En
ce qui concerne la qualité des soins médicaux dispensés, la Cour
reconnaît, d’une part, que les autorités pénitentiaires ont fait
preuve de leur volonté d’offrir au requérant un traitement médicalement
encadré et effectué par un personnel médical spécialisé ; l’évolution
de la lombalgie a été suivie par les médecins affectés soit aux
dispensaires des prisons où le requérant était détenu soit à des
hôpitaux publics. D’autre part, bien que cette pathologie ait été
constatée en août 2007 et la nécessité d’une intervention chirurgicale
de la lombalgie ait été explicitement préconisée depuis décembre
2008, le requérant n’a subi ladite opération qu’en octobre 2010.
Il est notamment à noter que cette opération n’a eu lieu qu’après
l’application par la Cour de l’article 39 du Règlement indiquant
au Gouvernement le transfert du requérant dans un centre médical spécialisé
afin qu’il soit opéré, conformément à l’avis de ses médecins
traitants. De l’avis de la Cour, ce retard imputable aux autorités
compétentes est prépondérant dans le contexte de la présente affaire ;
comme il ressort du dossier, le requérant ressentait des fortes douleurs
en raison de la compression des disques intervertébraux. Au demeurant,
tant les autorités pénitentiaires que le requérant connaissaient
les conséquences dans la vie quotidienne du dernier en prison qu’entraînerait
l’aggravation de sa lombalgie ; comme il a été relevé par le médecin
E.S. dans son rapport daté du 26 janvier 2010, la pathologie du requérant
était susceptible de provoquer des troubles sphinctériens et une incontinence.
59. La
Cour prend sur ce point note de l’argument du Gouvernement, à savoir
que la pathologie n’aurait pas été si grave, puisque le requérant
avait été capable de travailler pendant une longue période de son
incarcération. Cependant, elle relève qu’aucune attestation médicale
n’avait proscrit au requérant le travail en prison. La Cour présume
ainsi qu’en raison de la spécificité de cette pathologie, il était
possible pour le requérant d’assumer une tâche professionnelle en
dehors des poussées de sa lombalgie (voir paragraphe 12 ci-dessus).
En tout état de cause, il est incontestable que malgré les consignes
médicales claires sur la nécessité du traitement chirurgical de la
lombalgie, formulées en décembre 2008, celui-ci n’a eu lieu qu’avec
deux ans de retard environ.
En
somme, la Cour considère qu’outre la souffrance endurée en raison
de la lombalgie aigüe, en particulier lors des poussées de sa pathologie,
les conséquences liées à une éventuelle détérioration de celle-ci,
pouvaient susciter
chez le requérant des sentiments de peur, d’angoisse
et d’incertitude, atteignant ainsi le seuil de gravité requis par
l’article 3 de la Convention.
iii) Conclusion
60. Au
vu des considérations qui précèdent, la Cour conclut à l’absence
de violation de l’article 3 de la Convention en ce qui concerne le
traitement médical de l’hyperostose et à la violation de cette disposition
en raison du retard avec lequel les autorités internes ont procédé
à l’opération chirurgicale de la lombalgie aigüe du requérant.
En outre, la Cour constate que les mesures provisoires indiquées en
vertu de l’article 39 du Règlement cessent dorénavant de produire
des effets.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE
41 DE LA CONVENTION
61. Aux
termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation
de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la
Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement
les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée,
s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
62. Le
requérant demande 25 000 EUR pour le dommage moral qu’il aurait subi.
63. Le
Gouvernement affirme qu’un constat de violation constituerait en soi
une satisfaction équitable suffisante.
64. La
Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 12 000 EUR
pour le préjudice moral subi, plus tout montant pouvant être dû à
titre d’impôt.
B. Frais et dépens
65. Le
requérant demande également, facture à l’appui, 369 EUR pour les
frais et dépens encourus devant la Cour.
66. Le
Gouvernement ne se prononce pas sur cette question.
67. Selon
la jurisprudence constante de la Cour, l’allocation de frais et dépens
au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur
réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de
leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], nº 31107/96,
§ 54, CEDH 2000-XI). Compte tenu du document en sa possession et de
sa jurisprudence, la Cour accorde au requérant la somme réclamée,
à savoir 369 EUR, plus tout montant pouvant être dû par lui à titre
d’impôt.
C. Intérêts moratoires
68. La
Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur
le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque
centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Joint au fond l’exception du Gouvernement tirée du non-épuisement
des voies de recours internes et la rejette ;
2. Déclare la requête recevable ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;
4. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la
Convention en ce qui concerne le traitement médical de l’hyperostose
et qu’il y a eu violation de ladite disposition en raison de la qualité
des soins médicaux administrés au requérant pour la lombalgie aigüe
dont il souffrait ;
5. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser au
requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera
devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention,
les sommes suivantes :
i. 12 000 EUR (douze mille euros), plus tout
montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour le dommage moral ;
ii. 369 EUR (trois cent soixante-neuf euros),
plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant,
pour les frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit
délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un
intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt
marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette
période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué
par écrit le 10 mai 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et
3 du règlement.
André Wampach Nina
Vajić
Greffier adjoint Présidente
Greffier adjoint Présidente
ARRÊT LIARTIS
c. GRÈCE
ARRÊT LIARTIS
c. GRÈCE